Évaluation du risque pour la santé humaine du manganèse inhalé : sommaire du document

2010
ISBN : 978-1-100-94057-1
No de catalogue : H128-1/10-600F
SC Pub. : 100123

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Introduction

Le manganèse (CAS 7439-96-5) est un métal qui se retrouve naturellement dans l'air, l'eau, le sol et dans les systèmes vivants. Au plan biologique, le manganèse (Mn) est un minéral essentiel qui est indispensable au fonctionnement d'un bon nombre de familles enzymatiques. En plus de son rôle essentiel dans le corps, de nombreuses études publiées indiquent qu'à des doses d'exposition suffisamment élevées, le manganèse est une substance toxique chez l'être humain. Alors que le manganèse peut s'avérer toxique pour un certain nombre de systèmes de l'organisme, y compris les appareils reproducteur et respiratoire, l'organe cible critique est le système nerveux central (SNC), où le manganèse s'accumule dans les ganglions de la base du cerveau. Des niveaux d'exposition très élevés peuvent entraîner une maladie neurologique clinique et gravement débilitante appelée manganisme. Des niveaux d'exposition modérés peuvent entraîner une détérioration subclinique de la fonction neurologique, notamment des tremblements, une réduction du contrôle de la motricité fine, de la mémoire et des habiletés cognitives, compatibles avec des lésions des ganglions de la base.

Revue de la science

Le manganèse ingéré est soumis aux contrôles homéostatiques, tant au moment de l'absorption dans le tractus gastro-intestinal que lors de l'excrétion biliaire (le manganèse ingéré passe par le foie avant d'entrer dans la circulation systémique). Seulement un faible pourcentage d'une dose orale de manganèse entre dans la circulation systémique. À l'inverse, le manganèse inhalé entre directement dans la circulation systémique, ce qui rend le manganèse disponible pour sa distribution et son accumulation dans les tissus du corps, y compris le cerveau. Le transport du manganèse au cerveau peut s'effectuer à travers la barrière hémato-encéphalique, ainsi que par le plexus choroïde et par transport olfactif. Dans ce dernier cas, le manganèse inhalé qui s'est déposé sur l'épithélium olfactif peut être transporté directement via l'appareil olfactif jusqu'au bulbe olfactif situé dans le cerveau, fournissant ainsi une interface immédiate entre le système nerveux et l'environnement extérieur.

Les études toxicologiques sur le manganèse ont fait appel à des modèles animaux afin d'explorer les effets neuropathologiques, comportementaux, développementaux et génotoxiques d'une exposition à ce métal. Ces études ont également examiné comment des facteurs tels que la forme chimique et la valence pouvaient avoir un impact sur la toxicité et de quelle façon la susceptibilité pouvait être influencée par l'âge, le sexe, l'alimentation et la maladie. Règle générale, la majorité des études toxicologiques ont été effectuées chez des rongeurs en utilisant des doses d'exposition relativement élevées et de petits groupes expérimentaux. Certaines études ont eu recours à des primates non humains, alors qu'une quantité croissante de travaux mécanistes in vitro a été réalisée sur des lignées cellulaires. Le principal effet rapporté sur le comportement des rongeurs exposés au manganèse est une modification passagère de l'activité motrice spontanée. Les études sur les primates non humains, quoique moins nombreuses, fournissent des analyses comportementales plus détaillées, où les symptômes d'une intoxication au manganèse s'apparentent souvent à ceux observés chez les êtres humains. L'hyperactivité est souvent signalée comme étant un symptôme de première heure, les symptômes progressant ensuite pour inclure des mouvements anormaux, une rigidité musculaire et la flexion des membres.

À partir des données provenant d'études toxicologiques chez les primates non humains et les rongeurs, l'hypothèse est émise qu'un certain nombre de processus interdépendants sont mis en oeuvre à mesure que l'intoxication au manganèse progresse : i) les réserves d'énergie cellulaire sont épuisées par une perturbation mitochondriale et une interférence avec la phosphorylation oxydative et le cycle de l'acide citrique; ii) le stress oxydatif est provoqué par une interférence avec la respiration cellulaire, l'oxydation de la dopamine et/ou une réduction de la fonction antioxydante; iii) l'homéostasie du fer cellulaire et l'homéostasie du calcium cellulaire sont perturbées; iv) une altération de la fonction des astrocytes entraîne une élévation de la concentration extracellulaire de glutamate et une excitotoxicité possible; et v) l'apoptose et/ou la nécrose sont déclenchées dans des neurones actifs, entraînant la mort cellulaire. L'aboutissement de ces processus toxiques est la cytotoxicité et une neurodégénérescence sélective dans les régions du cerveau qui accumulent le manganèse, entraînant par la suite une altération de la neurotransmission dans le SNC, qui provoque des effets comportementaux liés à l'intoxication par le manganèse.

Les effets d'une exposition au manganèse sur la santé humaine ont été étudiés dans un grand nombre d'études épidémiologiques. Celles-ci ont surtout évalué l'impact de l'exposition au manganèse sur des paramètres neurofonctionnels subcliniques tels que le contrôle de la motricité fine, les tremblements, la mémoire et certains aspects de l'habileté cognitive. Parmi les nombreux paramètres étudiés, les mesures du contrôle de la motricité fine, en particulier des doigts, des mains et des poignets, de même que les tremblements, sont ceux qui sont le plus régulièrement influencés par une exposition au manganèse. Alors que la plupart des études ont porté sur des populations exposées en milieu de travail, les études sur la population générale ont montré un lien entre les concentrations de manganèse sanguin et la fonction neurologique chez les adultes et les enfants, ainsi qu'une plus forte prévalence des symptômes parkinsoniens chez des populations qui vivaient à proximité d'une grande source industrielle de manganèse.

Les résultats d'une étude en population portant sur l'exposition personnelle à Toronto (1996) a révélé qu'environ 10 % des adultes avaient des expositions personnelles supérieures à 0,05 µg Mn/m³ de la fraction PM10 et à 0,014 µg Mn/m³ de PM2.5 (PMx réfère à la matière particulaire dont le diamètre aérodynamique moyen en masse est de x microns). Entre 2003 et 2005, les concentrations ambiantes moyennes annuelles de manganèse dans les villes canadiennes sans importantes sources industrielles de manganèse ont varié entre 0,003 et 0,025 µg/m³ de PM10 et entre 0.002 et 0.014 µg/m³ de PM2.5. Dans certains quartiers de villes abritant des sources industrielles importantes de manganèse comme Hamilton et Sault Ste. Marie, la concentration moyenne annuelle de PM10 de manganèse dans l'air (2003-2005) a varié entre 0,06 et 0,22 µg/m³ de PM10. L'information est limitée à propos de l'exposition personnelle au manganèse là où il y a de grandes sources d'émission de manganèse.

Calcul d'une concentration de référence pour le manganèse inhalé

Une étude portant sur des travailleurs italiens du secteur des alliages ferreux (Lucchini et coll., 1999) a été identifiée comme étant l'étude déterminante pour l'évaluation quantitative du risque d'effets neurotoxiques associés au manganèse et pour le calcul d'une nouvelle concentration de référence pour le manganèse. Cet ensemble de données comprend des variables d'exposition, des variables pour les résultats neurofonctionnels, la prolactine sérique, ainsi que des variables confusionnelles. L'évaluation dose-effet a été réalisée par une méthode d'analyse de la concentration admissible. Deux paramètres d'exposition ont été utilisés : 1) la concentration moyenne de manganèse respirable dans les antécédents de travail (ARE); et 2) la concentration moyenne de manganèse respirable sur la période de cinq ans précédant les tests (ARE5). L'ARE5 a été étudiée en se fondant sur des données biologiques montrant que la clairance du manganèse du cerveau s'effectue en l'espace de quelques mois à plusieurs années. L'analyse a révélé qu'il existe trois modèles dose-effet significatifs pour l'ARE (trois tests sur le contrôle de la motricité fine) et dix modèles dose-effet significatifs pour l'ARE5, incluant six tests sur le contrôle de la motricité fine, deux tests sur certains aspects de la mémoire, un test de calcul mental et un dosage de la prolactine sérique.

Les résultats de l'analyse de la concentration admissible ont servi au calcul d'une nouvelle concentration de référence pour le manganèse inhalé. Ces résultats ont été ajustés afin de tenir compte de la conversion d'un régime d'exposition en milieu de travail (5/7 jours par semaine et 8/24 heures par jour) à l'exposition continue à laquelle la population générale est soumise. Un facteur d'incertitude de 10 a été appliqué aux résultats de l'analyse de la concentration admissible pour prendre en compte la variabilité interindividuelle de la réponse au manganèse. Des données relatives à une augmentation possible de la susceptibilité dans certains groupes ont été prises en considération, notamment chez les personnes âgées, les nourrissons et les enfants, les sujets atteints de pré-parkinsonisme asymptomatique, les sujets atteints de maladie du foie chronique ou alimentés par nutrition parentérale, les femmes et les personnes ayant une carence en fer. Un deuxième facteur d'incertitude de 10 a été appliqué pour prendre en compte les lacunes suivantes qui sont présentes dans la base de données : a) la population générale peut être exposée à des formes plus solubles de manganèse, ce qui peut accroître la quantité de manganèse transporté au cerveau; b) l'absence d'études approfondies sur l'effet d'une exposition prénatale au manganèse; et c) l'influence de manganèse sur la prolactine sérique. Les résultats des modèles dose-effet utilisant l'ARE5, une mesure plus sensible de l'exposition critique au manganèse ayant une incidence sur les résultats pour la santé, donnent des concentrations de référence variant de 0,05 à 0,08 µg/m³.

Cette révision et analyse conclue que la nouvelle concentration de référence de Santé Canada pour le manganèse inhalé est de 0,05 µg/m³ de PM3.5. Cette valeur correspond à la concentration à laquelle la population générale, y compris les sous-groupes sensibles, peut être exposée au cours de la vie sans effet nocif appréciable.

Références

  • Lucchini, R., P. Apostoli, C. Perrone, D. Placidi, E. Albini, P. Migliorati, D. Mergler, M. P. Sassine, S. Palmi, et L. Alessio. 1999. Long-term exposure to "low levels" of manganese oxides and neurofunctional changes in ferroalloy workers. Neurotoxicology 20, no. 2-3: 287-97.

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